semaine 27

Le fond de l'œil sec au Parc Maximilien

Humeurs d'un alterpubliciste par Patrick Willemarck, le 21 juillet 2017

Sulima, 25 ans, dans le parc Maximilien. Photo © Jean-Frédéric Hanssens

Ils sont plus d'une centaine à espérer, pour la plupart, de pouvoir rejoindre l’Angleterre. Pour l'instant, ils se partagent le seul point d'eau disponible pour boire et se laver. Photo © Jean-Frédéric Hanssens

Photo © Patrick Willemarck

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Photo © Jean-Frédéric Hanssens

Photo © Jean-Frédéric Hanssens

Sulima a 25 ans. Il a quitté le Soudan en février 2016, il est en Belgique depuis un mois, avec une seule destination en tête : l’Angleterre dont on lui a tellement parlé. C’est son Eldorado, son rêve, son espérance. La Belgique et le parc Maximilien ne sont qu’un passage. Quand il fait froid, il se réfugie à la gare du Nord, sinon, il dort ici. Un arbre lui sert de placard pour ranger ses affaires avant que la police ne débarque entre 5 et 6h du matin. Lui et ses amis jouent au chat et à la souris avec la police qui craint une recrudescence de migrants.

Pour toute aide, Sulima compte sur des bénévoles, dont une Marocaine qui leur apporte à manger tous les soirs. Une sorte de désobéissance civile ou bienveillance du sol, mais qui ne résout rien. Sulima et ses amis sont de passage vers un rêve qui n’existe peut-être nulle part. Sulima, Malik, Doulma... sont perdus, ils essaient de trouver un bus ou un camion pour partir vers Calais, mais certains en sont déjà revenus. Ils sont à la merci de marchands d’espoirs de transit. Quels sont leurs droits ?
Que peuvent-ils attendre de l’Angleterre ? Quand on fuit un état de non-droit, on ne se pose pas ces questions. Cela ne signifie pas que les réponses ne puissent pas les éclairer. Un peu plus de clairvoyance peut générer plus de bienveillance.

Lundi matin , ils étaient une petite centaine dans le parc Maximilien. Tous ne se laissent pas aborder, certains nous fuient même en rappelant qu’ils ne sont pas des animaux dans un parc. D’autres craignent qu’une photo circule et puisse inquiéter ceux qui sont restés au pays alors qu’ils les rassurent en disant que tout va bien, qu’ils sont logés et nourris et ne veulent surtout pas avouer qu’il n’y a qu’une fontaine d’eau pour tous, qu’il n’y a que des arbres comme armoires et de l’incertitude en partage.

Le Ciré, Médecins du Monde et Vluchtelingenwerk somment le gouvernement d’agir et d’ouvrir un centre d’accueil et d’orientation pour qu’on puisse les loger, les nourrir, les soigner, mais surtout les accompagner vers plus de dignité et moins d’incertitudes. Alors, bien évidemment, les gouvernements peuvent réfléchir à une meilleure gouvernance et moins de cumuls, mais en attendant, les problèmes risquent eux de s’accumuler. Et ce n’est pas en ramenant une de nos frégates qu’on les résoudra.

Sulima me rappelle le très beau livre de Laurent Gaudé, Eldorado : « L'herbe sera grasse, dit-il, et les arbres chargés de fruits. De l'or coulera au fond des ruisseaux, et des carrières de diamants à ciel ouvert réverbéreront les rayons du soleil. Les forêts frémiront de gibier et les lacs seront poissonneux. Tout sera doux là-bas. Et la vie passera comme une caresse. L'Eldorado, commandant. Ils l'avaient au fond des yeux. Ils l'ont voulu jusqu'à ce que l'embarcation se retourne. En cela, ils ont été plus riches que vous et moi. Nous avons le fond de l'oeil sec, nous autres. »

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