L'insoutenable légèreté de l'être
Edito par Jean Rebuffat, le 15 juin 2018

Dans l'un des salons du Procope, à Paris, on peut lire ces quelques vers de Voltaire, lequel ne peut guère être accusé d'indifférence à l'égard des injustices flagrantes. Et pourtant... Photo © Jean Rebuffat
L'actualité de la semaine? Singapour, l'Aquarius et le foot. (Jusqu'au nom de ce bateau aux nobles intentions qui me rappelle une marque commerciale...) Quel lien y a-t-il entre ce bateau aux 629 rescapés et le Mondial de football en Russie? Simple: le bon vieux panem et circenses.
À bord du bateau qui se dirige vers l'Espagne, des gens qui n'ont rien à manger, ou trop peu, et qui tentent au péril de leur vie la traversée vers cet eldorado européen qui ne veut pas d'eux et qui désormais, ne contourne plus vraiment l'incontournable. Il y a des nouveaux gouvernements en Italie et en Espagne et il faut que cela se sache. Et cela se voit, en effet. L'Italie refuse le débarquement. Il y a de la gesticulation là-dedans car d'abord ce n'est pas toute l'Italie (comme le maire de Palerme le démontre ainsi que le débarquement un peu plus discret d'un navire à Catane) et ensuite, même ce nouveau gouvernement s'est débrouillé pour faire le service minimum, ravitailler les migrants en route vers Valence. Valence où le nouveau gouvernement espagnol, qui se positionne ainsi clairement, mais jusqu'ici symboliquement, en assurera le débarquement.
Ainsi le monde se bat-il aussi à coups d'images. Trump et Kim Jong Un à Singapour. Les très beaux et très coûteux stades de football russes. La réflexion de fond n'a pas le temps de suivre, une nouvelle image arrive, qui chasse l'autre. Et celle que l'on veut voir, c'est celle d'un hectare vert avec vingt-trois personnes et un ballon qui y circulent.
Il ne faut pas mépriser les grands événements sportifs. L'humanité a besoin de divertissement et face à la réalité quotidienne, et à condition d'en être conscient, la part du rêve et du jeu trouve parfaitement sa place. Le fait majeur de la semaine, ne serait-ce pas la grève de la faim qu'ont entamée les détenus d'une prison argentine parce que le réseau de télévision y est hors service? Il n'y a pas plus fort symbole de l'importance de l'événement que ce petit fait incidemment rapporté. On peut déplorer l'insoutenable légèreté de l'être mais elle est une part de notre humanité et elle participe au plaisir de vivre.
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