semaine 20

Le charme discret du populisme

Edito par Jean Rebuffat, le 29 avril 2022

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Même les sites officiels, comme celui-ci (Statbel), se servent de l'essence comme d'un totem. L'accroissement du prix du gaz est pourtant largement supérieur... (Capture d'écran)

Le populisme prend souvent des formes inattendues et les médias même réputés, hélas, y contribuent largement, même quand ils le dénoncent et s’efforcent de démonter rumeurs et fake news. C’est souvent par omission ou par courte vue. Soucieux de répercuter les soucis supposés de ses lecteurs, ils multiplient à l’écran ou à l’écrit les lamentations liées aux préoccupations plus fin du mois que fin du monde.

Évidemment ces problèmes sont réels. L’inflation naissante attaque le pouvoir d’achat des plus faibles et la cherté de l’énergie impacte même des couches sociales jusqu’ici plutôt à l’abri de craintes vives sur la manière de régler les factures.

Mais ce qui ne va pas, c’est que tout cela est montré un peu comme une calamité médiévale, une sorte de punition divine qui pousse à broyer du noir, que certains prix sont totémisés, particulièrement celui du gazole et à peine moins celui de l’essence… Cela donne des micro-trottoirs du genre «Naguère je payais mon plein 40 à 50 euros et désormais, de 70 à 80… Cela fait le double!». En effet, si l’on passe de 40 à 80. En réalité, une hausse de quarante centimes au litre (c’est beaucoup) fait monter le prix du plein de 25%, ce qui est certes très perceptible mais le quart de 100%.

Quant à l’énergie, on lit partout des récits attristants de malheureux contraints de ne chauffer qu’une pièce et de passer un pull supplémentaire assortis de commentaires poujadistes du style «Et les pouvoirs publics qui ne font rien!». En oubliant baisse de TVA, aides publiques de toutes sortes et accroissement des filets de sauvetage (par exemple, les fonds destinés à aider les personnes en précarité à payer leurs factures de gaz et d’électricité via les CPAS, en Belgique, ont été considérablement accrus).

C’est exactement le même processus que celui inlassablement dénoncé par ces mêmes médias quand il s’agit des algorithmes des réseaux sociaux: en fait, il est donné à lire, à entendre ou à voir exactement ce qui est souhaité en écartant ce qui n’y correspond pas. Il ne s’agit pas de chanter «Tout va très bien, Madame la Marquise», mais simplement, de contextualiser vraiment et d’en revenir au b.a.ba du métier: rendre service au lecteur en lui fournissant les renseignements dont il a besoin pour résoudre ces difficultés. Mais cette modestie n’est pas à la mode. Il est plus glorieux de démonter ce qui ressort de la propagande géopolitique que de collationner des renseignements fastidieux à récolter. Pourtant, établir les gens dans leurs droits plutôt que de répercuter la morosité ambiante ressort tout autant de l’esprit citoyen que l’analyse des numéros de série sur les missiles qui s’abattent à Marioupol.

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