semaine 20

Une enseignante épuisée

Les indignés par Eux, le 06 octobre 2023

Dessin: Anne-Catherine Van Santen

Elles sont nombreuses à décrire la pratique d’un métier magnifique mais épuisant vu les conditions d’emploi, la complexité des statuts selon que l‘on soit dans le réseau officiel ou dans le réseau « libre ». Parmi ces témoignages, voici celui d’une enseignante épuisée qui appelle à l’aide la ministre de l’Éducation de la FWB, Caroline Désir.

Madame la Ministre,

Je vous adresse cette lettre, cet appel à l'aide pour tous les enseignants se trouvant dans le même désarroi que le mien.

Aujourd'hui, je me suis effondrée nerveusement. Aujourd'hui, j'ai dû demander à ce qu'on prenne mes élèves, car je ne pouvais m'arrêter de pleurer.

Aujourd'hui, j'ai voulu tout abandonner.

Aujourd'hui, je ne pouvais plus respirer.

Parce que, une fois de plus, je dois laisser ma place à un enseignant que je remplaçais. Et c’est la Xe fois que cela se produit, que je ne suis pas payée dans les temps, que je ne puis boucler mes fins de mois et que je dois chercher des flexijobs pour m’en sortir...

J'ai une carrière professionnelle bien remplie. 15 années dans le secteur privé de l'aide à la jeunesse.

J'ai fait le choix de la réorientation professionnelle. À 38 ans, passionnée, j'ai repris des études d'institutrice préscolaire. 3 ans plus tard, j'étais diplômée avec grande distinction. Tout cela en étant maman de 3 enfants.

Avec la plus grande joie, j'ai commencé à travailler en tant qu'enseignante en octobre 2019.

Des contrats de remplacement, dans l’enseignement officiel. Cependant, après 2 ans, je n'ai pas pu accepter un poste pour lequel je n'avais même pas été consultée. Nous les débutants sommes des pions qu'on place afin de combler les manques. Après ce seul et unique refus, je n'ai plus jamais obtenu un poste. J'avais pourtant accumulé 2 années d'ancienneté avec des rapports favorables de la direction.

Cette année-là, je ne suis pas rémunérée au mois de juin. On me dit que "je n'ai pas travaillé". Erreur administrative ! Je travaille cet été-là en tant qu'éducatrice spécialisée afin de joindre les deux bouts.

Je commence ensuite à travailler dans l'enseignement primaire. Avec "titre suffisant " et donc une rémunération moindre. Pourtant, je dois travailler davantage pour me former à l'enseignement primaire.

J'y prends goût.

Au mois de mai 2022, je retourne à la Haute École dans l'espoir de me lancer dans la passerelle primaire.

Impossible ! On ne sait pas comment introduire une étudiante venant de l'ancien système (en trois ans). Je devrais donc faire une passerelle en 4 ans avec des dispenses. Malgré mon titre pédagogique.

On voudrait pourtant pallier la pénurie d’enseignants !

En parallèle, j'entre dans ma 5e année d'enseignement. J'ai souvent lu que les jeunes enseignants quittent la profession dans les 5 ans.

Aujourd'hui, je craque.

Encore un énième contrat de remplacement. Précaire, car lorsque la personne nommée prolonge par courtes périodes, on se trouve amputé d'une partie de salaire qu'on perçoit un mois plus tard.

Comment vivre décemment dans ces conditions ?

J'ai 20 années de travail derrière moi. Pourtant, lorsque j'ai démarré dans ce métier d’enseignante, j'ai dû recommencer à zéro. Comme si je n'avais jamais travaillé.

Combien d'années devrais-je encore vivre dans l'incertitude ?

Combien d'années serais-je contrainte d'avoir recours à un flexijob afin d'arrondir les fins de mois ?

J'aime ce métier plus que tout. Pourquoi mettre tant de bâtons dans les roues de personnes motivées alors qu'on ne cesse de prôner l'enseignement d'excellence ?

Pourquoi ne pas commencer par valoriser les acteurs de cette profession ?

Pourquoi bloquer des personnes motivées à se former davantage alors que la pénurie est partout ?

Un enseignement d'excellence, si on peut avoir la prétention de le nommer ainsi, commence par un personnel heureux et épanouis.

Signé : une enseignante épuisée

 

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