Le plaisir de zigouiller

Il est difficile de rester civilisé devant la barbarie. Il n’y a pourtant pas d’autre choix. Les images de l’attaque du Hamas, largement diffusées, sont horribles. Quelles que soient les circonstances historiques, quelles que soient les injustices subies, ces actes terroristes et ces prises d’otages n’ont pas un commencement d’excuse.

Qui plus est, c’est contreproductif. On peut comprendre – comprendre n’est pas obligatoirement approuver – une attaque surprise comme celle-là visant des objectifs militaires ou policiers. On peut admettre que le massacre soit l’un des pires soubresauts d’une désespérance profonde. On peut souligner avec Elie Barnavi que l’imbécillité des derniers gouvernements israéliens, que le peu d’empressement européen ou américain à faire pression sur Israël pour arrêter la colonisation – un mot tabou, tout de même, de nos jours – et pour ne pas répliquer au-delà de toute mesure (comme hélas cela semble se préparer au moment où j’écris ces lignes) comme aussi les très perceptibles fissures du monde arabe, dont les peuples peut-être se sentent concernés par la question palestinienne mais dont bien des dirigeants se fichent éperdument, ou la corruption ambiante, voire généralisée, n’atténuent pas cette désespérance: il n’en reste pas moins que les perdants seront les civils et qu’il sera désormais facile de poser les équations Palestine=Hamas, donc Palestine=terrorisme et de généraliser Islam=terrorisme.

Alors qu’en fait, le problème israélo-palestinien est très loin d’être uniquement ou principalement une question religieuse. Me vient en tête la chanson de Souchon, «Et si en plus il n’y a personne» et son vers final si terrible, si ce n’était que le plaisir de zigouiller. Le ciel est vide mais le sol est plein de sang. Et ce n’est pas fini.