"Ressources humaines", dit le perroquet
Par Théophraste ! par G. Lefèvre, le 23 novembre 2023

Manifestation des employés de Delhaize le 22 mai dernier à propos de leur droit de grève. Photo G.L.
"‘Rightplacement’, le zéro déchet en ressources humaines", titre triomphalement un journaliste du Soir dans son supplément « Références » (1). Imaginons un de ces jeux d’enfants dans lequel on doit placer des silhouettes en bois dans des formes prédéterminées. Si on presse trop fort une pièce inadaptée dans une forme, elle se casse. Déchet, donc.
C’est exactement ce que suggère cette nouvelle théorie bidon qui s’imbrique dans celle, absurde, mais répétée sans cesse, de « ressources humaines ».
Que veut dire cela ? Que les travailleurs sont une « ressource » au même titre que des matières premières (ressources naturelles) qui sont d’ailleurs exploitées jusqu’à épuisement et au prix de pollutions trop souvent irréversibles. Les travailleurs – « ressources humaines » sont pressés comme des citrons jusqu’à épuisement pendant que leurs patrons et surtout les actionnaires des entreprises qui les exploitent bénéficient de confortables dividendes. On comprend la réaction des travailleurs d’ABInbev qui arrêtent le travail parce qu’on ne leur redistribue que des cacahuètes par rapport aux bénéfices confortables de l’entreprise multinationale.
La « ressource humaine » se rebiffe et les théories de management s’adaptent : on transforme le travailleur en partenaire censé être responsable de la productivité, on le persuade que le job que l’on taille sur mesure est bien fait pour lui et son développement personnel. Ainsi, si cela ne marche pas, c’est de sa faute, c’est qu’il est inadapté. Il devient alors un « déchet » selon le titre élégant du Soir.
C’est au nom de la dignité du travail que les employés de Delhaize refusent le système de « franchise » qui « dégraisse » (encore un terme très subtil employé par le secteur des « ressources humaines ») l’entreprise centrale et fait gérer le personnel sous un régime moins protégé, par des indépendants entièrement dépendants de la marque « mère ». Grâce à ce système, le PDG de Carrefour s’est fait quelques millions de bonus personnel, et des dizaines d’employés ont perdu leur travail, selon l’enquête d’Elise Lucet dans Cash Investigation à découvrir ici:
Peut-être que l’auteur de cet article sur le « zéro déchet » pourrait se pencher sur certains termes à n’utiliser qu’avec une infinie précaution, du style « animaux humains » qui est un non sens parfait, mais d’un racisme total… Et pourtant diffusé sans le moindre recul dans de trop nombreux articles des meilleurs journaux.
(1) Article paru le samedi 18 novembre 2023 dans Le Soir, Références.
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