La démocratie
Une édition originale par Thierry Robberecht, le 24 octobre 2020

© Serge Goldwicht
Ce n’est probablement qu’une impression, une hallucination, un délire causé par la solitude et l’alcool mais son appartement semble de plus en plus petit. Les murs se rapprochent de lui millimètre par millimètre. Il ne lui reste que deux, trois mètres carré d’espace vital et il étouffe. Heureusement qu’il possède la télévision ! Les seules nouvelles de l’extérieur lui sont livrées par la télévision branchée en permanence sur les informations nationales. Aux dernières élections, l’extrême droite nationaliste flamande est devenue le parti le plus important du pays. Un parti raciste et antisémite qui piétine les libertés individuelles dont les fondateurs ont collaboré avec la police politique allemande pendant l’occupation et ont exécuté sans honte le salut nazi. Ils seront le parti le plus important et incontournable dans la formation du prochain gouvernement mais cette information ne l’inquiète pas beaucoup. C’est le jeu démocratique après tout, le choix du plus grand nombre, la règle dans les grands pays démocratiques comme les Etats-Unis d’Amérique. Un équilibre délicat entre droite et gauche, entre centre et extrêmes. Il n’est pas noir, pas juif et pas étranger. Il est un citoyen belge qui ne risque rien. Non, ce qui l’inquiète est le rétrécissement de son appartement. Serait-ce un effet de la hausse des prix de l’immobilier en ville ? Il possèderait moins d’espace pour la même somme d’argent ? Déjà, il ne peut plus atteindre la porte car les murs du couloir se sont rapprochés. Il aurait grossi à ce point ? Les murs qui le cernent l’étouffent. De l’air ! Au secours ! De l’air ! La seule solution ? Alerter son voisin. Heureusement que les murs ont poussé vers lui l’armoire où il range ses outils. Il s’empare d’une lime, la plus grosse, et s’attaque au mur le plus proche. Le papier-peint à fleurs laides, souvenir de l’ancien locataire ne lui résiste pas longtemps. Après cinq minutes de travail, il bute déjà sur les briques. Avec sa lime, il attaque la première dans l’espoir de la desceller pour alerter son voisin qui lui viendra probablement en aide. Après plusieurs heures de travail, il parvient à la désolidariser du mur. Il reste encore à la retirer ce qui n’est pas simple. Avec les doigts, il glisse la brique vers lui, millimètre par millimètre. Encore un peu de patience et voilàà, la brique tombe devant lui. A travers l’espace laissé par la brique, il crie à l’adresse de son voisin : « Help ! Help ! Au secours ! J’étouffe !En même temps, il vole une grande goulée d’air. C’est bon.
Pour toute réponse, dans l’espace laissé par la brique, une main dépose un bulletin de vote. Les murs se referment toujours sur lui mais il pourra voter. Il est sauvé !
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