semaine 20

Tu manges ta planète bien trop vite

Edito par Jean Rebuffat, le 04 août 2017

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Elle est à nous, certes. Mais le sens de la propriété de l'espèce l'humaine est particulier. Photo Nasa libre de droits.

Depuis quarante-huit heures, la planète vit à crédit. Chaque année, la date théorique à laquelle ce qu'elle peut régénérer en un an avance dans le calendrier. En 2017, c'est paraît-il le 2 août.

Plaisantons d'abord un peu (l'humour étant la politesse du désespoir): quand ce sera le 1er janvier, nous serons vraiment mal.

Discutaillons ensuite un brin. De manière générale, je n'aime pas ces calculs parce qu'ils sont fatalement simplificateurs. Ils sont faits pour frapper et ils y arrivent (c'est leur vertu principale).

Certains sont carrément idéologiques, celui-ci en partie, d'autres tout à fait. Je déteste, pour ne prendre que ce seul exemple, ce calcul ultralibéral et surtout ultracon qui détermine la date à partir de laquelle vous travaillez pour vous-même. Payer les routes, les écoles, les hôpitaux, les retraites, la justice, la police et tout ça, c'est aussi travailler pour soi en même temps que pour les autres, et pas «pour rien» ni «pour l'État» comme si celui-ci n'était pas aussi la collectivité... Quand j'apprends que pendant cinq mois cette année contre trois environ voici trente ans, la Terre ne sera pas capable de se régénérer, j'ai deux pensées simultanées:

1. le retard accumulé est énorme (au moins dix douze ans depuis trente ans, et sans doute un bon demi-siècle depuis que je suis né), comment est-ce possible?

2. ce qui m'inquiète vraiment, c'est l'avancée de la date. Aussi contestable soit le calcul, sa véritable indication est là: toujours plus nombreux et toujours plus gourmands, les hommes ne réalisent encore que très théoriquement cette vérité selon laquelle le système actuel est une gigantesque cavalerie tant au niveau économique qu'au niveau écologique.

Il y a cinquante ans, René Dumont, qui avait été le premier candidat vert aux élections présidentielles françaises, en 1974 (il récolta, le mot est à dessein, 1,32% des voix et Giscard battit de peu Mitterrand au second tour), publia un livre qu'il m'arrive de relire encore aujourd'hui: «Seule une écologie socialiste...». Les trois points signifient en gros «pourrait sauver la planète».

La planète et pas seulement la nature.

Je ne désespère pas. Je constate qu'il faut souvent un demi-siècle pour que les idées naissantes s'installent vraiment. Entre les Lumières et 1789, entre les premiers théoriciens du socialisme et la fin du XIXème siècle, entre l'idée que la guerre est en elle-même immorale et les tentatives de trouver des arbitrages... Bien sûr, cela ne veut pas dire qu'elles s'imposent, ni qu'elles n'embarquent avec elles aucun effet pervers et que l'avenir est fatalement une marche triomphante vers des lendemains radieux. Mais en effet, en donnant leur vrai sens – René Dumont était un humaniste et un laïque – aux mots socialisme et écologie, seule une écologie socialiste...

Sinon j'ai du souci à me faire pour ma tombe.

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