L'arbre
Une édition originale par Thierry Robberecht, le 22 décembre 2021

© Serge Goldwicht
Je suis sur terre depuis plus de temps que le plus vieux des humains et on ne me respecte toujours pas. Pourquoi cette haine des humains envers nous ? Que nous reprochent-ils ? D’être planté sur la terre depuis plus longtemps qu’eux ? A cause des humains, la terre, notre seule nourriture est moins riche en nutriments et l’eau qui tombe du ciel empoisonnée.
Ils abattent les arbres tropicaux autour de moi et un jour, viendra mon tour. J’entends les machines et les humains s’approcher. Je ne suis pas dur de la feuille. Je m’attends à sentir leur dents entamer ma chair. Mon écorce est solide mais je souffrirai comme les autres arbres que les humains ont assassinés. J’en suis certain et je m’y prépare. Voilà qu’ils m’encerclent comme s’ils craignaient que je m’échappe. Je serre les dents et m’accroche aux branches en redoutant le pire mais, cette fois, ils ne mettent pas leur tronçonneuse en route . C’est avec une pelleteuse qu’ils m’attaquent. J’ai compris : ils ne désirent pas me couper, ils veulent me dessoucher. C’est plus radical. Les arbres qu’ils coupent peuvent parfois, avec beaucoup de temps, se mettre à vivre à nouveau alors que dessouchés, c’est la mort assurée. Un assassinat. Avec un tronc comme le mien, il y a beaucoup d’argent à se faire. Ah ! l’argent. Si l’argent était en bois, nous, les arbres aurions disparu depuis longtemps. La terre tremble autour de moi car la pelleteuse creuse un immense trou à l’arrière de mon tronc. Sans terre pour me maintenir droit, je tressaille et je titube comme un arbre ivre. Une espèce de cowboy m’attrape avec son lasso. Tellement facile avec un arbre immobile. Ils se mettent à dix ou cent ou même mille pour tirer sur la corde et me dessoucher. Je ne résiste pas, j’en suis bien incapable. Craaac ! Voilà que je suis couché sur le flanc comme une bête abattue avec mes racines à l’air. Les humains s’étonnent qu’à l’extrémité de mes racines sont attachés les cadavres de leurs proches, leurs ambitions et leurs rêves . En m’assassinant, ils se suicident.
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