La grotte
Une édition originale par Thierry Robberecht, le 16 décembre 2023

© Serge Goldwicht
Il est paléontologue depuis plus de trente ans. Des grottes préhistoriques, il en a découvertes, visitées et analysées des dizaines. Chaque fois une immense émotion le submerge. A l’aube de l’humanité, des hommes identiques à lui ont vécu, aimé, mangé et peint des fresques magnifiques dans la lueur des torches pour chasser les démons, espérer une chasse fructueuse ou même simplement représenter leurs émotions. Malgré ses trente ans d’expérience il est loin d’être lassé et blasé par son travail. D’autant moins que ses assistants viennent de découvrir une nouvelle grotte en Ariège un tombeau qui date du paléolithique supérieur, environ 45000 ans avant notre ère dont les fresques l’interpellent beaucoup. Il s’agit entre autres de cerfs et de mammouths mais aussi de la représentation d’un loup aux cornes fluorescentes dans lequel il reconnait un monstre qui l’avait terrifié lorsqu’il était enfant. Sa décision est prise. Dans les replis et l’anfractuosité de la roche, il aperçoit également une femme nue à la longue chevelure qu’il est le seul à voir. Lorsqu’il en parle à ses assistants on lui répond vaguement : « oui, oui, je la vois aussi. » parce qu’il est le patron. Quelques semaines plus tard, on lui découvre une tumeur cancéreuse dans les poumons. C’est incurable. Rien de particulièrement étonnant pour le gros fumeur qu’il est. Il est attristé par la nouvelle surtout pour sa femme et ses enfants Lui, il s’en fiche car un spécialiste des tombes préhistoriques sait que la mort est plus importante que la vie. Il craint surtout les soins palliatifs et l’acharnement thérapeutique à l’hôpital. Un matin, il prend sa voiture file en Ariège où il s’étend dans la grotte pour attendre la mort entre le loup aux cornes fluorescentes de son enfance et la représentation minérale de la femme de sa vie. Mille ans plus tard, on redécouvrit la tombe. Des équipes de scientifiques se penchèrent sur ce mystère, une tombe préhistorique qui contient des restes humains beaucoup plus récents. Ils cherchent encore.
Il semble que vous appréciez cet article
Notre site n'est pas devenu payant! Mais malgré le bénévolat de ses collaborateurs, il coûte de l'argent.
C'est pourquoi, si cet article vous a plu (et même dans le cas inverse), nous faire un micropaiement d'un ou de quelques euros nous aiderait à sauver notre fragile indépendance et à lancer de nouveaux projets.
Merci à vous.