semaine 43

En marche, en marge et y en a marre

Emois et moi par Jean Rebuffat, le 24 avril 2017

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En marche vers l'Élysée... Oui, mais à l'Assemblée nationale? Le décalque est improbable. Photo © Jean Rebuffat

Ainsi donc les sondages ne s'étaient pas trompés et le premier tour des élections présidentielles n'était pas imprévisible: l'Élysée se jouera entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Ce n'est probablement pas le second tour dont on pouvait rêver. Mais déjà, selon l'expression qui fleurit soudain en France, enjambons la présidentielle et envisageons les législatives qui vont suivre.

Il ne faut surtout pas imaginer que celles-ci seront le décalque de celles-là, et pour deux raisons majeures. La première est qu'il s'agit d'un scrutin uninominal à deux tours, tout de même très différent du scrutin présidentiel, où seuls deux candidats se qualifient. Ensuite parce que la défaite de la droite et du PS est liée à des facteurs particuliers. La droite classique ce n'est pas sa défaite, mais celle d'un homme, François Fillon, qui ne pouvait pas perdre et qui a perdu. Ce camp, déchiré (une partie lorgne plus à droite), n'apparaît pas comme le grand favori mais il est évident qu'une importante partie de ses électeurs a voté pour Emmanuel Macron par dégoût du M. Propre tout sale qu'on lui proposait. On touche là une observation fondamentale sur les primaires: autant cela avait marché en 2012 pour François Hollande, autant cela a été désastreux en 2016-2017. Il n'y avait pas de plan B interne à François Fillon ou à Benoît Hamon par la nature même du processus. Emmanuel Macron aura été le plan B externe et a ramassé tous les morceaux qui ne pouvaient pas être recollés. Car Benoît Hamon s'exonère lui aussi un peu vite de sa responsabilité personnelle en parlant de déroute historique du PS. Symétriquement à la droite, il était lui aussi une erreur de casting. Comment imaginer qu'un homme qui avait passé les deux dernières années de son action à scier la majorité dont il faisait partie allait recevoir, tout étant pardonné, un appui sans faille de ceux qui n'avalent pas son statut et son action de frondeur? Quelles que fussent la pertinence ou l'intérêt de certaines de ses propositions, les Français cherchant leur champion à gauche ont préféré l'original à la copie et se sont tournés vers Jean-Luc Mélenchon.

Lequel n'est pas apparu comme un très bon perdant, laissant probablement ressurgir les aspects les plus contestables de sa personnalité: un ego boursouflé. Il se rêvait un peu Chavez, un peu Podemos, un peu Tsipras et au lieu de faire comme Philippe Poutou lui-même à demi-mot, appeler à faire barrage à l'extrême droite, a lancé ses trolls aux trousses d'une chimère aux apparences démocratiques. Bien sûr qu'au fond, chaque électeur est maître de son vote et de son choix. Mais un vote se forme aussi par la réflexion et c'est le rôle des leaders auxquels on s'assimile de proposer des éléments de réflexion, faute de quoi c'est ainsi qu'on se met en marge. On peut parier sans trop de risque que les électeurs traditionnels de la gauche socialiste reviendront aisément à leur famille d'origine, surtout si leur député local les a satisfaits. Le PS est moins évaporé qu'on ne l'imagine. Et qui peut prédire les résultats des triangulaires ou des quadrangulaires qui vont probablement foisonner? En ce sens, on peut comparer Emmanuel Macron à Valéry Giscard d'Estaing ou plus près de nous dans le temps à Barack Obama, élus à la fonction suprême en sortant de nulle part et face à une chambre introuvable. Or l'enjeu est énorme. Car si le "y en a marre" tellement perceptible de l'opinion publique française a pu se porter cette fois sur un homme dont on pensera ce qu'on veut mais qui partage les valeurs laïques et républicaines, en cas d'échec, la prochaine fois...

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