semaine 20

Où passez-vous votre week-end?

Edito par Jean Rebuffat

Il y a des cadeaux enfantins qui collent à l'actualité... (Capture d'écran d'un site de vente)

La question du titre n'est pas anecdotique: elle résume la semaine entre les perspectives de fin de mois (et celui-ci est à la fois festif et coûteux) et celles de fin du monde (comme si tout n'était pas lié). Ce week-end, Bruxellois et Parisiens qui comptaient faire les courses de Noël devront probablement changer leur projet; les gilets jaunes, eux, maintiennent le leur; quant au Premier ministre belge, il fait ses valises, non pour quitter le 16 de la rue de la Loi mais pour s'envoler «à titre personnel» à Marrakech.

Il y a longtemps qu'on sait qu'entrer dans une crise, quelle qu'elle soit, est plus aisé que d'en sortir. Dans l'histoire, cette vieille dame imprévisible, on a donc assisté à l'élargissement systématique des procédés de sortie de crise, depuis les traités de paix jusqu'aux lourdes institutions que sont les Nations Unies, supposées les prévenir.

En Belgique, les sorties de crise sont traditionnellement surréalistes, c'est en quelque sorte revendiqué comme un héritage. L'interruption volontaire de règne du roi Baudouin, la grève ministérielle, la politique du gaufrier, la lasagne institutionnelle et à présent encore plus fort, la crise qui n'en est pas une, le gouvernement qui est aussi cliniquement mort que le général Franco quelques jours avant la date officielle du décès mais fait mine de continuer: il y a quelque chose de commun dans tout cela, c'est cette manie de l'esquive par la superposition, cette habitude de l'embrouillamini, ce recours à l'improbable qui permet finalement d'avoir un gouvernement en affaires courantes pendant 541 jours...

Pendant ce temps-là, la planète ne va pas bien mais au lendemain du succès calme et massif de la manif du 2 décembre à Bruxelles, la ministre fédérale de l'environnement torpille ses collègues régionaux qui lui renvoient le missile.

La planète ne va pas bien et en France, rien ne va plus. Si les gilets jaunes déteignent par contagion en Belgique (où le gazole coûte désormais plus qu'en France et bien plus cher que l'essence sans que cela grogne au départ...) et qu'on a déjà noté quelques solides dérapages dans l'insulte, la menace et la violence, dans la République voisine, enivrés par le succès du mouvement, ils ne voient plus qu'une seule sortie de crise, la destruction de l'adversaire, et cela bien entendu la plupart du temps symboliquement, mais parfois même physiquement. Les slogans antisémites et antimaçonniques s'intègrent dans le cortège disparate et contradictoire des exigences martelées. On lit partout que personne ne comprend le mouvement, et pour cause: il ne ressemble littéralement à rien. Qu'il soit l'expression d'une colère où la dureté de la fin du mois est prioritaire sur tout autre considération, même sur la fin du monde, pour reprendre un joli mot qui fait florès, c'est l'évidence. Que les maladresses sémantiques systématiques et l'arrogance imbuvable d'un Jupiter qui a confondu Olympe et Élysée provoquent la colère, c'est une certitude. Mais que va-t-il en sortir? Ce n'est pas obligatoirement appuyer un pouvoir antipathique que de souligner que celui-ci a réussi ce que celui-là voudrait: prendre les commandes en venant de nulle part. Car c'est ce qu'a réussi Emmanuel Macron, prouvant ainsi par l'absurde que contrairement à une idée reçue très répandue sur les ronds-points, le système n'est pas bloqué.

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