Mercredi 1er février
On se préparait à constater que la journée se terminerait sans nouvelle préoccupante, voire révoltante, en provenance de Trump. C’eut été la première fois depuis son investiture. Et puis l’on apprend qu’il a décidé de couper les ponts avec CNN. Bof, tant que cela se passe entre eux… Ah ! Mais voilà que le nouveau secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, prie Trump de retirer son décret migratoire. Il pourrait bien se faire congédier comme un malotru et, partant, provoquer l’insulte à l’endroit de la noble institution qu’il dirige.
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Depuis que les frondeurs du groupe socialiste contrarient le travail du gouvernement, depuis que François Hollande a renoncé à concourir pour un second mandat, et, a fortiori, depuis que Benoît Hamon a remporté la primaire de la gauche, le pronostic d’un second tour entre Marine Le Pen et François Fillon prenait consistance. Et voici que le candidat de la droite se débat dans des affaires de rémunérations douteuses pour sa femme et pour ses enfants. Se lancer dans des prévisions serait, pour l’heure, s’éloigner de l’analyse sérieuse. Rappelons donc simplement que les candidatures ne seront entérinées officiellement que le 17 mars. Mais osons quand même considérer que les détracteurs de Fillon ne le lâcheront pas, et qu’il devra tôt ou tard se retirer de la compétition, même s’il a encore répété aujourd’hui haut et fort qu’il « irait jusqu’au bout ! » Le candidat de la droite n’a cependant pas précisé de quel bout il parlait…
Jeudi 2 février
Cet ancien patron d’Olivetti, voyant débarquer dans sa chambre le curé muni des burettes et s’écriant : « Comment ? Je vais mourir ? Mas je suis l’homme le plus riche d’Europe !... » Le sentiment d’impunité imprègne tous ceux qui sont grisés par le pouvoir. Il est plus pénible à comprendre lorsqu’il atteint des élus de la classe politique. Et quand ceux-ci oublient que ce qui n’est pas illégal est pour autant moral, leur comportement civique devient écœurant.
Vendredi 3 février
Il faudra bien un jour finir par accepter d’appeler le téléphone « portable » plutôt que « portatif », qui est pourtant le terme correct (au début des années soixante, on allait dans les bois et dans les prés avec les filles, écouter Salut les copains, l’émission de Daniel Filipacchi sur Europe n°1, équipés de la petite inventions miraculeuse : la radio portative…) Aujourd’hui, le téléphone et les dérivés provoque la frénésie de la solitude. En mai ’68, on lisait sur les murs de Paris : L’ennui fleurit. Désormais, il n’y a plus de place pour l’ennui dans la vie quotidienne.
Samedi 4 février
Hervé Mariton, député de la Drôme, maire de Crest (LR) a dû interrompre les activités de son mouvement le mois dernier en raison d’un problème cardiaque. Titre de son mouvement : Droit au cœur.
Dimanche 5 février
Comme s’ils s’étaient donné le mot, les candidats qui sont déjà en campagne ont tous tenu meeting à Lyon. On ne peut en retenir que peu de choses : Macron rassemble des foules mais reste toujours très imprécis sur son programme ; Marine Le Pen n’a strictement pas innové, débitant les sujets de son fond de commerce et fournissant du même coup des images vieillottes, au point que l’on pourrait confondre les dates de diffusion, d’un quinquennat jusqu’à un autre. Quant à Jean-Luc Mélenchon, il a ouvert une toute nouvelle voie, mais au plan technique surtout : grâce à l’hologramme, il était en chair et en os sur la scène lyonnaise (12.000 personnes) et en image virtuelle à Aubervilliers (6000 personnes), raflant ainsi l’acte de modernité à Emmanuel Macron, et envoyant la diffusion sur grand écran au magasin des anciens accessoires. Si la méthode se banalise, on pourra souligner qu’il fut le pionnier. En attendant, ce gaillard est celui qui mobilise le mieux à gauche, même sans dédoublement…
Lundi 6 février
La trumpisation de le Russie a commencé. Premier symptôme : le fabricant de Kalachnikov a été privatisé. L’État, qui possédait 51 % des parts, n’en détient plus désormais que 25 %.
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Quelqu’un a-t-il entendu parler de Bachar al-Assad ? Le tyran syrien devrait remercier Pénélope Fillon. Grâce à elle, il est presque en train de tomber dans l’oubli.
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Et justement, parlons-en de Pénélope Fillon… Son mari tient une conférence de presse pour tenter d’éteindre l’incendie de l’emploi fictif. Il présente ses excuses aux Français et termine son propos sur un élan, avec l’espoir de tourner la page (ou de la déchirer…) : « Une nouvelle campagne commence !... » Demain soir, Le Canard enchaîné n’aura plus qu’à remplacer une lettre en imprimant « compagne » plutôt que « campagne »…
Mardi 7 février
Jean-François Kahn, en grande forme stylistique sur l’affaire Fillon : « Il n’est pas cru. Et quand on n’est pas cru, on est cuit. »
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On connaît la réflexion de Claudel : « La tolérance, il y a des maisons pour cela. » Eh bien dans les pays arabes, il y a aussi des ministères pour cela ! Les Émirats arabes unis possèdent un ministre de la Tolérance, c’est même une ministre. Elle s’appelle Shaikha Lubna Khalid Al Qasimi. Elle est féministe à sa manière (pas hardcore, entendons excessive, dit-elle), revendiquant que grâce à son travail, les femmes de son pays peuvent désormais conduire une automobile ; elle est considérée comme une des femmes les plus puissantes de tous les pays arabes. Bref, elle est ministre de la Tolérance. « Voltaire, réveille-toi ! Ils sont devenus … Ils sont devenus quoi au juste ?... »
Mercredi 8 février
Martin Schultz, 61 ans, est un fin politique. S’il a délaissé son cher Parlement européen pour retourner dans son pays en prévision des élections législatives, c’est qu’il a pesé très minutieusement les avantages et les inconvénients d’un pareil virage. Battre Merkel en septembre paraît relever d’un pari impensable. Si déjà il parvenait à augmenter le score de son parti, la crise de la social-démocratie européenne serait tout à coup stoppée. Au-delà de son duel avec la chancelière, on suivra donc le parcours du SPD dans l’attente d’idées neuves susceptibles d’essaimer hors d’Allemagne.
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Le Parlement écossais et celui d’Irlande du Nord ont très majoritairement voté contre la loi qui déclenchera le Brexit. Mais ce scrutin n’était que symbolique. La Cour suprême a bien spécifié que seul le Parlement de Westminster était appelé à se prononcer. N’empêche, le Royaume-Uni pourrait demain prendre l’aspect d’un royaume désuni…
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Bernard Pivot rend compte du Journal (1953 – 1986) rassemblant les critiques de Matthieu Galley (éd. R. Laffont, coll. « Bouquins ») qui sera demain en librairie. Il en extrait quelques réflexions d’auteurs comme celle-ci, de Maurice Druon apprenant l’élection de Marguerite Yourcenar à l’Académie : « D’ici peu, vous aurez quarante bonnes femmes qui tricoteront pendant les séances du dictionnaire. »
Jeudi 9 février
On n’avait jamais vu autant de parlementaires britanniques exprimer leur sympathie pour l’Union européenne ! (Et « sympathie », chez un english serious, cela vaut son poids de cornichons ! …) Ils ont cependant voté très majoritairement l’autorisation pour Theresa Mai de déclencher le Brexit au motif qu’ils ne pouvaient pas renier la voix du peuple. Of course… Quelques défections savaient cependant être justifiées : celui dont la circonscription avait été favorable au maintien par exemple… Á présent, Sariq Khan, le maire de Londres, entame une tournée des capitales européennes pour préciser que l’on est toujours le bienvenu à Londres afin de faire du business. Good idea, but is it possible ? Not too expensive about « paperasses » ?
Vendredi 10 février
Pour peu que l’on s’intéresse aux prestations télévisées de Marine Le Pen, que l’on observe ses attitudes lors de débats, on perçoit bien les moments où elle est dans le mensonge. afin de sortir d’une contradiction. Ce matin, commentant son passage d’hier soir lors de la grande émission politique de France 2, la presse relève ses affirmations « erronées ou exagérées » (Le Monde). Certes. Mais le mal est fait, la post-vérité a fait son œuvre, et la dame de l’affront est parvenue, une fois encore à séduire la tranche de la population qui ne demandait qu’à l’être.
Le 10 février 1967 (il mourrait six mois plus tard…) René Magritte écrit dans L’art de la ressemblance (Écrits complets, réunis et annotés par André Blavier, éd. Flammarion, 1979): « L’inspiration donne au peintre ce qu’il faut peindre : par exemple, la pensée dont les termes sont une pipe et l’inscription ‘ceci n’est pas une pipe’. » Le tableau qu’il évoque a été peint en 1929. Ce qu’il disait de cette œuvre il y a cinquante ans fait encore débat de nos jours.