semaine 26

Face au chaos, la tête à l'envers

Chemins de traverse par Marcel Leroy, le 25 novembre 2023

Marchant dans la rue, la tête pleine à craquer du chaos du monde, le quidam se sent largué. Photo © Marcel Leroy

A Charleroi, le chiffre des cinq cents repas a été atteint un midi de ces jours-ci. Où trouver les produits frais pour la soupe alors que le contexte économique des grandes surfaces est tendu? Au Resto du Coeur il aura fallu acheter des pommes de terre, pour la première fois, depuis 1986. En Argentine, le peuple désemparé a élu pour président un homme dont les propos font trembler et Trump est tonitruant aux USA, dans la perspective de sa lutte avec Joe Biden. Aux Pays-Bas, la victoire électorale révèle la progression de la droite extrême et on sait à quoi elle mène. En Ukraine, les soldats meurent sans désemparer et la partie de bras de fer s'éternise. Au Proche-Orient, Israël et le Hamas observent une courte trêve pour échanger des otages mais le sang n'a pas fini de couler en effrayants ruisseaux. Dans les veines des humains de toutes les conditions, le sang est le même, pourtant, pas vrai? A Marcinelle, au cimetière où se côtoient les victimes de 1956, tous les morts ne seraient pas égaux. Des inconnus ont démoli plus de quatre-vingt sépultures dans la parcelle juive. Parmi les réfugiés sur les routes, vers Calais et la Grande-Bretagne d'après le brexit, il y a aussi des Palestiniens. Et, marchant dans la rue, dans les pays démocratiques, pas mal de quidams doivent se sentir, comme l'auteur de ces lignes incertaines, à la fois dans la peau d'un Israélien ou d'un Palestinien.

Ce samedi 25 novembre, à l'ULB, à l'initiative du groupe de réflexion Elisée Reclus, une rencontre se déroule sur le thème,  "Abandonner le mythe de l'économie triomphante: une question existentielle pour l'humanité". Quel rapport avec ce qui précède? Le pouvoir? L'argent? La réflexion? Une fois de plus, l'envie de s'accrocher pour dire que se réunir afin d'échanger des points de vue est un point de départ. Qu'il faut arrêter la course folle sur fond de medias pour s'orienter, se méfier de ses certitudes, de ses émotions. Tiens, pour ce qui se passe entre Israël et la Bande de Gaza, quelque chose d'un peu personnel me bouleverse.. A Anvers, mon grand-père travaillait avec des diamantaires juifs. Quand il a fallu leur tendre la main, pendant la guerre 40-45, il l'a fait, en conscience. Ma mère, qui aura 99 ans dans quelques jours, et qui a ravitaillé des familles juives dans leurs cachettes, m'a dit que son père n'avait voulu aucune reconnaissance officielle de son attitude. Certes, il avait sauvé des juifs mais avant tout des amis. Et je veux croire qu'il aurait aidé tous ses contemporains, quelle que soit leur origine, leur statut, leur religion ou absence de croyance, en ces temps cruels. 

Face à la complexité des problèmes, en opposition à la tentation de se fier à des slogans simplistes pour se forger une opinion, se contraindre à l'introspection pour ensuite échanger sans nervosité a l'air simple. Mais c'est dur. Et l'essentiel serait que dans d'autres cimetières, à Marcinelle ou ailleurs, d'autres sépultures ne soient profanées au nom du manque de conscience de l'autre. Ou à défaut d'une recherche d'information éclairante, au-delà des fanatismes. Maintenant, j'ai envie de laisser tomber cette courte chronique, en me demandant à quoi elle rimerait bien tant c'est dérisoire. Mais je l'envoie quand même, en me disant que je ne dois pas être le seul qui cherche sur quel pied danser pendant que le vacarme de la haine frappe sur les tambours de l'obscurantisme.

Mots-clés

Il semble que vous appréciez cet article

Notre site n'est pas devenu payant! Mais malgré le bénévolat de ses collaborateurs, il coûte de l'argent.

C'est pourquoi, si cet article vous a plu (et même dans le cas inverse), nous faire un micropaiement d'un ou de quelques euros nous aiderait à sauver notre fragile indépendance et à lancer de nouveaux projets.

Merci à vous.

Nous soutenir Don mensuel

entreleslignes.be ®2025 designed by TWINN Abonnez-vous !