semaine 20
Portrait de Thierry Robberecht
Allo, allo, quelle nouvelle

L'homme d'à côté

Le 08 avril 2017

Sa vie de compromis débuta dès sa naissance. Il se sentait si bien dans le ventre de sa mère qu’il avait décidé d’y rester toujours. Hélas, une vilaine césarienne le débusqua de son cocon tout chaud. Après ce séisme, il comprit qu’il n’était pas le plus fort et accepta tout ce qu’on lui voulait. Sourire, dormir, manger et faire de gros rototos. On le félicita. Plus tard, il aurait aimé qu’on lui lise des histoires de loups, la nuit, dans les forêts sombres mais ses parents craignaient que les loups l’empêchent de dormir. Alors, on lui raconta tous les soirs des histoires de moutons, tellement ennuyeuses qu’il s’endormait tout de suite. Les parents ont toujours raison. A l’école, pour se faire des copains, il accepta de jouer au football alors qu’il aurait préféré chanter des chansons d’amour avec les filles. Les études qu’il désirait entreprendre le mèneraient au chômage, c’est certain. Il en choisit d’autres qui ne l’intéressaient pas avec lesquelles il décrocha immédiatement un travail ennuyeux. Au bureau, il accepta les dossiers les plus délicats, commencer tôt et finir tard de peur de perdre son travail. Il se maria avec une femme qui n’acceptait de faire l’amour que le premier jour du mois. Malgré sa frustration, il passa toute sa vie avec elle parce qu’il craignait que la solitude couche avec lui tous les jours de la semaine. Ses patrons l’envoyèrent à la retraite sans lui demander son avis et il vieillit sans s’en rendre compte. On pourrait penser que cette histoire est triste mais elle ne l’est pas parce que ce n’est pas lui qui mourut le 21 septembre 2041 à quatre-vingt et un an. Ce n’est pas lui non plus qu’on enterra par une froide matinée d’automne. D’autant qu’il avait demandé à être incinéré.

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Il n'est pas mort le 21 septembre 2041. Photo © Jean Rebuffat

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