Au temps des plumes

Appréciée et détestée en même temps, car elle était capricieuse, la plume de mon enfance faisait partie, dans toutes les cassettes, des outils indispensables aux écoliers d’une autre époque !  On la rangeait à côté de la gomme immaculée, d’une règle, d’un compas, du crayon gras, d’une équerre et d’un essuie-plume, sorte de délicieux carnet dont les pages en peaux de chamois étaient plus ou moins efficaces pour enlever le trop plein d’encre.

La vitesse d’intervention était essentielle car l’accident n’était jamais loin. L’encre, recueillie dans de mini flacons de faïence installés dans le haut du pupitre, a sali les doigts, les blouses blanches ou les tabliers noirs d’une multitude de générations d’élèves, quand ce n’était pas - oups ! - la catastrophe, quand la fameuse plume ballon, dans une perversité imprévisible, laissait échapper un affreux pâté qu’aucun buvard n’absorbait dans sa totalité. Il s’ensuivait une remarque dans la marge du cahier : « travail bâclé, manque de soins, à refaire pour demain ! » Le blâme quoi, la punition… Comme si on l’avait fait exprès.

On remballait le tout dans la carnassière à bretelles et en route vers la maison où la corvée nettoyage des doigts à la pierre ponce, lait tiède ou jus de citron précédait la ruée vers le goûter, le petit quatre heure.

Certains porcelainiers ont eu l’idée, au dix-neuvième siècle, d’inventer un flacon bulbeux à la base, renfermant une sorte de blaireau souple dans lequel on enfonçait la plume pour l’essuyer en l’allégeant de son trop plein d’encre. Ce joli objet garnissait les “bonheur du jour” des dames qui prenaient encore le temps d’écrire à l’instar de l’illustre Madame de Sévigné. Ils se décoraient de fleurs au naturel, de papillons, d’oiseaux exotiques, à l’influence chinoise ou japonaise. Un joli présent à offrir, si cela se trouve encore à présent. Cela changerait des canards ou autres petites bêtes en cristal, bois doré ou cloisonné, dont les magasins de décoration nous ont inondés depuis quelques années !