semaine 20
Portrait de Thierry Robberecht
Allo, allo, quelle nouvelle

Le putsch

Le 06 décembre 2018

Machin avait déjà remarqué que son téléphone prenait parfois des libertés en ne lui obéissant ni aux doigts ni à l’œil.

Un premier janvier, en écrivant un SMS qui disait : bonne année bissextile, il s’est rendu compte qu’il avait envoyé « Bonne année bisexuelle à ses amis et parents. Comme la plupart des humains, il n’avait pas pris cet avertissement au sérieux. Rien de grave jusque-là. Le problème s’est corsé quand, au travail, on le licencia pour le remplacer par une machine compétente qui fera son travail sans jamais prendre de vacances ni tomber malade. Une lettre type et impersonnelle même pas signée lui annonça la nouvelle. Il connut le chômage et les journées sans fin. Il était chez lui quand il reçut un appel d’une ancienne collègue avec qui, dans le temps, il avait eu une petite histoire de cul.

- Tu m’as appelée, dit-elle au téléphone. Je suis folle de joie Je craignais de ne plus jamais te revoir à cause de ton licenciement. Tu me manques. Le bureau n’est plus le même sans toi. On se voit quand ? Chez toi ou chez moi ?

Il ne se souvenait pas avoir appelé son ancienne collègue et maîtresse mais elle paraissait si heureuse de son appel qu’il préféra ne rien nier. En fait, il avait décidé de ne plus la revoir. Trop douloureux. Elle représentait son travail perdu, un échec professionnel qui le faisait souffrir. L’appel dont elle parlait, il le mit sur le compte d’une fausse manœuvre téléphonique ce qui lui arrivait souvent. Ses doigts s’étaient égarés, un mouvement du bras avait connecté son téléphone dans sa poche sans qu’il ne s’en rende compte, quelque chose comme çà.

Il ouvrit néanmoins grand sa porte à son ancienne collègue qu’il trouvait séduisante, et dont il gardait d’excellents souvenirs érotiques. Il déboucha même une bouteille de champagne en son honneur.

Entre anciens amants, tout va très vite. Après quelques minutes à parler de tout et de rien et à déguster le vin, ils retrouvèrent les gestes, doigts sur la peau et lèvres sur l’intime. Il invita la femme dans sa chambre où ils firent l’amour. Après le sexe, ils reprirent leur souffle et leur esprit dans la chaleur de l’autre. Elle sentait bon, sa peau était douce. Il se dit que, finalement, cet appel accidentel, cette fausse manœuvre avait du bon. Le hasard fait bien les choses, parfois. De la chambre, les amants n’entendirent pas leurs téléphones restés au pied des verres à vin. Les téléphones portables ne sonnaient pas et ne recevaient pas de message. L’un sur l’autre, par des orifices dont personne ne connait l’utilité, ils ronronnaient plutôt en s’accouplant.

Image: 
© Serge Goldwicht

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